Festival International de Géographie de Saint-Dié
Saint-Dié-des-Vosges, 29 sept-1er oct 2024.
La 34e édition du Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges avait pour thème : « urgences», et comme pays invité, le Chili.
URGENCES
Le président du festival était cette année Rony Brauman, cofondateur et président de l’O.N.G. Médecins sans Frontières (1982–1994), bien placé pour traiter du thème de l’urgence.
Il s’est tout d’abord attelé à définir ce qu’est une urgence, que l’on peut comprendre comme une situation qui, si aucune disposition n’est prise pour y remédier, entraînera de graves préjudices voire la mort pour les personnes concernées.
Il s’agissait évidemment d’un thème très vaste, qui peut tout aussi bien s’appliquer aux urgences sanitaires, dans le cadre d’épidémies, de famines, de catastrophes- dont nous savons aujourd’hui qu’elles sont rarement « naturelles » -et bien entendu de l’urgence climatique dont il a été abondamment question.
Quel rôle pour la géographie dans ce cadre là?
Bien loin de la formule provocatrice du géographe Yves Lacoste : « la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre » (livre éponyme paru en 1976), la géographie agrège et organise un ensemble de savoirs stratégiques ( sur le climat, la nature du terrain, l’hydrographie, l’occupation par les hommes à savoir l’habitat, les activités économiques, les infrastructures etc.) qui sont mis à la disposition du citoyen et des politiques pour comprendre et prévenir les crises ainsi que de faire face à l’urgence.
Dans le cas du récent tremblement de terre au Maroc ou des terribles inondations dans la région de Derna en Libye, des géographes spécialisés dans la cartographie par images satellites analysaient en temps réel la situation sur le terrain, repéraient les lieux de l’urgence, mais aussi les routes et passages praticables pour permettre aux secours d’y accéder.
Dans le dramatique conflit israélo-palestinien, la géographie est au cœur de l’analyse géopolitique qui permet de comprendre les jeux de puissance sur un territoire car la religion est loin d’être le facteur essentiel de cette guerre qui est avant tout une lutte pour la terre…même si les religions mènent aussi un combat territorial, car gagner en territoire c’est gagner en fidèles potentiels.
La géopolitique interroge la territorialité et le maillage du territoire pour comprendre tous les jeux de puissance qui s’y livrent.
Lors de ce festival, il a évidemment beaucoup été question du changement climatique et de la « climatisation » du débat public, des mouvements sociaux et de la politique.
Cette urgence climatique a été pointée par de nombreux conférenciers comme « l’urgence suprême», pour ses implications dramatiques sur la nature, l’économie, la société, les flux migratoires, etc.
Deux conférences, aux antipodes l’une de l’autre, ont illustré la richesse des débats :
–Celle de Camille Etienne, autrice du livre « pour un soulèvement écologique » (ed du Seuil). cette militante et activiste écologique est un peu la Greta Thunberg française, très suivie par la jeunesse sur les réseaux sociaux. Diplômée de Sciences-po, et faisant preuve d’une grande maturité pour ses 25 ans, elle a conquis l’audience par un discours très pédagogique, très policé et finalement très efficace. loin de l’appel à la violence que pourrait suggérer le titre de son livre, elle dénonce cependant l’impuissance politique qui nous conduit droit dans le mur.
L’extrémisme d’un certain nombre de militants doit d’abord être compris comme le résultat de la grande souffrance qui étreint de plus en plus de jeunes, cette éco- anxiété (la peur lié à un futur sombre, voir à l’absence d’avenir), qui s’ajoute souvent au sentiment de solastalgie, néologisme exprimant la douleur et le sentiment d’isolement lié à l’état de son lieu de vie et de son territoire.
– A l’opposé, la conférence de Jean-Robert Pitte, interrompue quelques instants par un manifestant (vite évacué des lieux manu militari) qui lui reprochait son climato- scepticisme et son techno-scientisme, avait pour titre : « retrouver l’optimisme, une mission de la géographie et de l’histoire ».
Loin de nier le réchauffement climatique et affirmant au contraire qu’aucune catastrophe n’est « naturelle », il a cependant produit un discours rassurant (ce qui a sans doute déplu à certains), en mettant en avant tous les progrès de la science et sa foi dans la capacité de l’homme à trouver des solutions.
Il combat l’idée qu’il existe une nature hors de nous, une sorte d’objet cultuel et pur que nous aurions pollué et qu’il s’agit de préserver, quitte à en bannir les hommes. Pour lui, nous faisons partie de cette nature, nous devons agir en prenant en compte toutes ses composantes, dont nous-mêmes, et organiser cette nature intelligemment au service de l’humain.
Le géographe a cité une formule que je tiens à partager avec vous car elle contient tous les éléments du débat qui nous agite. Elle est de l’écrivain et homme de théâtre irlandais George Bernard Shaw, pacifiste, anticonformiste et prix Nobel de littérature en 1925 : « L’homme raisonnable s’adapte lui-même au monde; l’homme déraisonnable essaye d’adapter le monde à lui-même; C’est pourquoi tout progrès dépend de l’homme déraisonnable ».
LE CHILI
Ce pays invité l’était tout à la fois dans le cadre de la commémoration du cinquantenaire du coup d’Etat d’Augusto Pinochet, et pour la mise en exergue de son modèle de développement peu durable car essentiellement tourné vers l’exploitation des ressources naturelles (lithium et cuivre notamment).
Ces deux thèmes sont d’ailleurs profondément liés puisque la politique économique ultra libérale de Pinochet et son ouverture incontrôlée sur le monde, a conduit à une « reprimarisation » de son économie c’est-à-dire le choix d’une économie fondée sur le secteur primaire qui repose sur l’exploitation agricole et minière. Cette politique a eu certes des résultats spectaculaires sur l’évolution du PIB du pays, mais des conséquences dramatiques en terme d’inégalités sociales, de confiscation des territoires de populations autochtones, et d’impact environnemental. Elle a rendu d’autre part le pays dépendant de l’évolution des cours mondiaux des matières premières, qui n’a pas toujours été celui que nous connaissons aujourd’hui.
Depuis le retour de la démocratie, le pays peine à faire évoluer son modèle et il lui est difficile de lutter contre l’emprise qu’exercent désormais les intérêts étrangers et notamment chinois sur son territoire. Quel avenir pour ce pays lorsque ses ressources seront épuisées ?
À côté de ces enjeux essentiels, le Chili était aussi présent sur la carte…de nombreux restaurants de la ville: une cuisine notamment marquée par l’importance de la viande… à savourer avec modération ! un autre combat à mener pour le colibri qui doit être en chacun de nous.
VIE DU FESTIVAL
Le festival a retrouvé sa fréquentation d’avant le Covid, et même au-delà et son salon du livre est tout aussi fréquenté :
–Lilian Thuram est venu dédicacer le livre qu’il a coécrit avec Pascal Blanchard : « mes Étoiles Noires en images »(édition la Martinière) et s’est exprimé sur l’urgence de briser tous les préjugés.
– Rony Brauman et Irène Frachon ont échangé leur conception de l’urgence autour de leurs ouvrages : « Guerres humanitaires ? Mensonge et intox », chez Textuel pour le premier et « Médiator un crime chimiquement pur » chez Delcourt, pour la lanceuse d’alerte.
Les retombées économiques de ce festival qui mobilise pendant des semaines, pour sa préparation puis son bon déroulement, tout le personnel municipal et une armée de bénévoles déodatiens, sont indéniables. Près de 40 000 festivaliers étaient attendus cette année à Saint Dié et dans ses environs. La ville s’est enrichie d’une toute nouvelle et superbe médiathèque, avec salles de conférence et un bel atrium.
Pour ceux et celles qui seraient tentés de découvrir cette belle et verdoyante région, je ne saurais trop conseiller une petite auberge familiale dans laquelle nous avons pris nos quartiers depuis quelques années, ma fille géographe et moi-même pour ces week-ends intellectuellement revigorants: l’auberge de la Grange, sur la commune de Plainfaing dont la principale entreprise est la confiserie des bonbons des Vosges, les fameux bonbons cassés aux arômes naturels de violette, de miel, de bourgeon de sapin et autre résine des Vosges. Lovée sur les premiers contreforts des Vosges cristallines, celle des plus hauts sommets, cette auberge est un point de départ idéal pour des randonnées forestières. Le soir ou à l’aube, vous y entendez le brame du cerf et vous y dégustez une roborative cuisine familiale.
Mais pour nous, point de randonnée: nous n’avons guère le temps de flâner, occupées que nous sommes à courir d’une conférence à l’autre. De la cathédrale au lycée Jules Ferry, du musée Pierre Noël au cinéma Empire, de l’espace Géo-numérique à l’IUT, le festival nous attend!
Annexe
Pour ceux qui veulent comprendre la belle histoire de ce festival, et le lien de cette petite ville des Vosges avec la géographie, cliquez sur ce lien:
https://www.francebleu.fr/emissions/c-est-ici-en-lorraine/c-est-a-st-die-des-vosges-qu-on-a-donne-son-nom-a-l-amerique-5122974
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