Route du sel et de l'art sacré dans l'ancien comté de Nice - 6

Tout d'abord, nous tenons à remercier le romancier Christian MARIA membre du Cercle Bréa qui a eu la gentillesse de me fournir le diaporama de cette conférence en puisant dans ses archives iconographiques.

Cet article fait suite aux parties 1, 2, 3, 4 et 5 publiées précédemment.

II- LES ROUTES DU SEL DEVIENNENT AUSSI DES ROUTES DE L’ART SACRÉ

A) ENTRE PRIMITIFS ET BAROQUE

Certes tous les trésors artistiques du Comté de Nice ne se trouvent pas sur le parcours des routes du sel, mais une bonne partie est dans ce cas.

La quasi-totalité des œuvres d’art est à classer dans le domaine religieux comme il a été dit en introduction : chapelles et églises témoignent d’une foi catholique aussi bien chez les riches qui sont les donateurs – commanditaires que chez les pauvres qui sont visés par ces catéchismes pour analphabètes que sont les tableaux et les fresques.

Une autre généralité : beaucoup de ces édifices sont de l’époque baroque (XVIIe - XVIIIe siècles) ou d’une époque antérieure mais « baroquisés », tellement cet art a plu aux habitants du Comté de Nice.

Enfin les trésors picturaux de ces bâtiments religieux sont dus à la palette des primitifs niçois comme Les membres de la famille Bréa et leurs élèves ou piémontais comme Baleison et Canavesio. Les uns et les autres font partie du mouvement artistique de la fin du Moyen-Âge que l’on nomme le gothique international.

Bien entendu, il est impossible dans ce cadre de passer en revue de façon complète toutes les richesses artistiques qui jalonnent les routes du sel : je me contenterai d’un aperçu rapide mais caractéristique.

B) EN SUIVANT LA ROUTE PAGARINE

L’ une des étapes incontournables de cette route de l'art, c'est le village de Lucéram. Il s’illustre d’abord par une ceinture de chapelles de protection contre les épidémies et la protection des plantes (à l’époque il n’y a pas l’Institut Pasteur ou les vaccins pour contrer - parfois- les maladies qui viennent souvent de l’extérieur). Nous en avons trois exemples :

* La chapelle Saint Grat (évêque d’Aoste qui vécut au Ve siècle à qui la tradition attribue d’avoir retrouvé la tête de Saint Jean-Baptiste), décorée probablement par Jean Baleison vers 1480.

La peinture choisie ici représente une Vierge à l’Enfant sur un trône, entourée de Saint Grat à gauche avec la tête de Saint Jean-Baptiste (il était invoqué pour la prospérité des vignobles et pour défendre les campagnes contre les parasites) et Saint Denis invoqué contre les maux de tête et les cas d’infestation diabolique, et à droite Saint Sébastien avec une épée et une flèche (instruments de son martyre), très populaire dans la région niçoise, d’une part parce qu’il est considéré comme le patron des travaux champêtres et domestiques, mais surtout, d’autre part, pour son rôle supposé contre la peste qui a été une des grandes calamités du Moyen-Âge, et Sainte Catherine avec la roue dentée de son supplice, patronne des charrons (entre autres).

* La chapelle Notre Dame de Bon Cœur dédiée à la Vierge qui est la protectrice par excellence ; la décoration est également attribuée à Jean Baleison. Véritable bande dessinée de l’Histoire Sainte on y trouve des scènes de la vie du Christ et de la vie de Marie. L’exécution de ces peintures date de la fin du XVe siècle.

* La chapelle Saint Michel : c’est l’archange qui combat à pied le démon (contrairement à Saint Georges qui combat à cheval), qui pèse les âmes des morts : il est donc très souvent invoqué.

L’autre richesse de ce village réside dans son église paroissiale Sainte Marguerite (vierge et martyre du IIIe siècle, sainte très populaire au Moyen-Âge en dépit du manque de preuves historiques) d’une incroyable richesse artistique, avec de superbes retables dont celui de Canavesio datant des alentours de 1485 et représentant, de gauche à droite, Saint Pons martyrisé à Cimiez au IIIe siècle (donc un saint local), Saint Bernard de Menthon (savoyard du XIe siècle, fondateur de deux hospices au grand et petit Saint Bernard, représenté tenant un démon enchaîné car il aurait débarrassé les Alpes des démons qui infestaient les montagnes, donc excellent protecteur pour traverser les montagnes), Saint Antoine de Padoue (docteur de l’Église, franciscain mort en 1231, très populaire notamment pour sa réputation de retrouver les objets perdus mais aussi invoqué pour les ânes et les chevaux ce qui est utile sur une route), Saint Claude (qui vécut au VIIe siècle, évêque de Besançon?) et Saint Nicolas de Tolentino (en Italie), moine qui vécut de 1245 à 1305, célèbre pour les mortifications qu’il s’infligea était invoqué pour les âmes du Purgatoire. En haut Saint François recevant les stigmates, une Vierge à l’Enfant et Saint Georges combattant le dragon.

Nous nous transportons ensuite jusqu’à Roquebillière et plus précisément dans la vieille église de Saint Michel du Gast qui date du début du XIVe (achevée en 1531) et qui a la particularité dans la région niçoise d’avoir une structure gothique. Elle a été faussement attribuée aux Templiers.

Enfin nous voici sur le parvis de l’église paroissiale de Notre Dame de l’Assomption dans sa version baroque du XVIIe siècle à Saint-Martin Vésubie. Ce village se trouve sur « la route des Bréa » grâce à quatre morceaux d’un retable attribué à Louis Bréa et qui représente Saint Jean l’Évangéliste avec un serpent dans sa coupe qui rappelle une épreuve qu’il aurait subi à Éphèse (le serpent symbolisant le poison que l’Apôtre ingurgita sans dommage), Sainte Pétronille (probablement une martyre du 1er siècle et qui est considérée comme la fille spirituelle de Saint Pierre), Saint Pierre avec ses clefs (personnage très important dans cette période de foi générale car c’est lui qui détient les clefs du Paradis) et Saint Martin un des saints les plus populaires dans l’ancienne Gaule, évêque et patron du village qui bénit.

En bas à droite on peut reconnaître la façade de la chapelle Sainte Croix dite des Pénitents Blancs qui date de la fin du XVIIe siècle.