Route du sel et de l'art sacré dans l'ancien comté de Nice - 5
Tout d'abord, nous tenons à remercier le romancier Christian MARIA membre du Cercle Bréa qui a eu la gentillesse de me fournir le diaporama de cette conférence en puisant dans ses archives iconographiques.
Cet article fait suite aux parties 1, 2, 3 et 4 publiées précédemment.
I- LA MISE EN PLACE D’UN RÉSEAU ROUTIER SOMMAIRE SUD-NORD
C) LA ROUTE DUCALE PUIS ROYALE : DIRECTION CONI PAR LE COL DE TENDE
L’adjectif « ducale » et plus tard « royale » s’explique en raison du changement de titre de la Maison de Savoie et parce que cet itinéraire a été voulu par deux souverains.
D’abord le Duc Charles-Emmanuel 1er en 1610 songe à l’itinéraire par Tende afin de relier sa nouvelle capitale, Turin, à ses possessions maritimes, Nice et Villefranche. En effet le Comté de Tende, souvent en révolte contre la Maison de Savoie et donc menaçant les échanges entre le bord de mer et le Piémont, avait été rattaché aux États de Savoie en 1575, le dernier comte Lascaris le transmettant au Duc Emmanuel-Philibert. Or, le passage par le col de Tende paraît moins difficile que le passage par le col de Fenestre, ce qui explique l’abandon de l’axe constitué par la route Pagarine. Déjà un essai de contournement du comté de Tende avait été imaginé en passant par La Brigue, la vallée de la Levenza et le Tanarello.
Le tracé, à partir de l’Escarène, franchit le col de Braus, arrive à Sospel, puis passe par le col de Brouis pour arriver à Breil.
Ce qu’il y a de nouveau dans la décision du Duc Charles-Emmanuel 1er c’est de faire de cet axe non seulement une route pour le sel, qui représente une bonne part de ses revenus, mais plus généralement une voie commerciale depuis la Méditerranée vers l’Europe du Nord via ses États de l’intérieur. C’est dans cette optique que le souverain promulgue l’édit de 1612 qui crée le port franc de Nice-Villefranche afin d’y favoriser le trafic.
Entre Nice et Turin ce sont 230 kilomètres qui vont être aménagés, et comme à cette époque il n’y a pas d’énarques, pas d’écologistes, pas de réglementation tatillonne, pas de mille-feuille administratif, il aura fallu seulement 4 ans pour l’ouverture en 1614 ! Mais il y avait des ingénieurs qui connaissaient leur métier et qui ont conçu le tracé, décidé où il fallait creuser les falaises ou passer en fond de vallée. Enfin les travaux ont été en grande partie financés par le trésor ducal.
Cependant une première tentative de percement d’un tunnel sous le col de Tende à partir de Limone fut abandonnée.
En 1616 par ordonnance royale le village de Fontan, situé au bord de la Roya dépendant de Saorge -village perché qui demandait un détour – est créé pour servir de relais entre Sospel et Tende. Si la voie n’est toujours pas carrossable, elle permet cependant un trafic plus important : ainsi le record est atteint en 1776
55 000 mulets qui font le trajet Nice – Cuneo, transportant le sel à l’aller, du vin, du blé des laines et des peaux au retour.
La preuve cependant que cette route, malgré les travaux de Charles-Emmanuel – demeure dangereuse, se situe dans la construction dès le XVIIe de la chapelle Notre Dame de Bon Voyage qui donne son nom au quartier de la sortie de Nice : les Niçois qui devaient partir pour le Piémont se plaçaient sous la protection de la Vierge pour espérer éviter les accidents au cours du trajet (chute dans les ravins, éboulements…).Cette chapelle sera reconstruite au siècle suivant (1727) ce qui montre le peu de confiance dans cette voie tant vantée par les souverains. Encore que, l’un d’entre eux, Charles - Emmanuel III, ne souhaitait pas que la route devînt carrossable car il redoutait qu’elle servît à des troupes françaises d’invasion (Ah la France pays de la Liberté et du droit des peuples…).
Il faut attendre pour que cette route devienne presque carrossable le roi Victor- Amédée III (le fils du précédent, peut-être moins craintif ou plus inconscient que son père) qui engage des travaux colossaux entre 1780 et 1788 ; son successeur Charles-Emmanuel IV pas peu fier de son initiative fit apposer quelques années après une plaque rédigée en latin dans les gorges de la Roya à la hauteur de Saorge, là où les travaux ont dû être les plus ardus et qui ceci en traduction française :
Unissant les deux versants des hautes montagnes et pour le bien public,
l’autorité, l’utilité de toute l’Italie et de tout le globe, malgré les précipices
réduits par le fer et par le feu, Charles-Emmanuel, onzième duc de Savoie,
prince clairvoyant, aimant son peuple comme un père, comblé dans la
paix comme dans la guerre, de sa propre initiative, avec sa seule science et ses ressources propres, réalisa cette voie royale.
Nous disposons d’un témoignage neutre sur cette réalisation : celui de Thomas Jefferson le futur président des États-Unis d’Amérique et ambassadeur en France de 1785 à 1789, qui empruntant cette route en 1787 a écrit à son sujet qu’elle « est probablement le plus grand travail de cette sorte qui ait jamais été exécuté dans les temps anciens et modernes. Et elle n’a pas coûté autant qu’une seule année de guerre » .
Avec ces aménagements il faut pour relier Nice à Tende deux jours avec un arrêt nocturne à Sospel ou à la Giandola près de Breil.
Le roi donne aussi à Nice les terrains pour bâtir un départ prestigieux à cette route afin de construire la plus grande place de la ville qui prendra justement le nom de « Victor », aujourd’hui Garibaldi.
Il faut tempérer cet enthousiasme en précisant qu’en l’absence d’un tunnel à Tende (malgré une nouvelle tentative de percement en 1784) cette route n’est praticable sur tout son tracé qu’une partie de l’année et n’est carrossable que de part et d’autre du col. De plus, en raison des accidents climatiques, elle demande des travaux d’entretien constants , ce qui ne fut pas le cas. Donc cet axe demeura dangereux jusqu’au XXe siècle: l’on en a des preuves dans certains ex votos déposés à Notre-Dame de Laghet en remerciement d’avoir eu la vie sauve malgré un glissement de terrain ou un éboulement de rochers en 1910 et 1914.
En tout état de cause la variante par la Levenza n’avait plus de raison d’être et seule la route de Tende avec ses nombreux lacets fut le tracé officiel de la route royale. Cela explique le culte toujours vivace.
à Tende de De Saint Éloi patron des charretiers, des cochers et protecteur des chevaux.
Elle restera le seul axe presque carrossable du Comté de Nice jusqu’à la construction de la Grande Corniche sous Napoléon 1er. C’est après l’annexion à la France du Comté que le tout jeune royaume d’Italie réussira le percement du tunnel de Tende entre 1878 et 1882, d’une longueur de 3182 mètres et d’une largeur de 6 mètres, Tende étant placé sous administration italienne à cette époque, ayant été exclu avec La Brigue et quelques territoires frontaliers du plébiscite de 1860. C’est ce tunnel qui permettra de relier Tende au Piémont en toutes saisons et d’éviter ainsi les nombreux lacets qui conduisaient au col situé 500 mètres
plus haut ; l’itinéraire était également raccourci de 12 kilomètres : le rêve du Duc Charles-Emmanuel 1er et du roi Victor-Amédée III se réalisait enfin, mais le Comté de Nice n’appartenait plus à ce moment à la Maison de Savoie.
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